Manger ses émotions : comprendre avant de culpabiliser

Manger ses émotions : comprendre avant de culpabiliserManger ses émotions : comprendre avant de culpabiliser Crédit image : Big Stock

Quand l’alimentation devient une réponse émotionnelle

Manger n’est jamais un acte neutre.
Au-delà des besoins physiologiques, notre rapport à la nourriture porte en lui notre histoire, notre corps, notre lien aux émotions. Il reflète nos manières de gérer le manque, le trop-plein, le vide, la tension, la solitude.
Et parfois, il devient le seul moyen accessible pour calmer ce qui déborde.

Manger pour apaiser une émotion n’est pas une faute morale. C’est une tentative. Une stratégie de survie développée souvent très tôt, dans des contextes où il n’y avait pas d’espace pour exprimer, nommer, être entendu·e.
C’est le corps qui parle et qui cherche à se réguler comme il peut.

Avant de culpabiliser, il est essentiel de comprendre ce que ce geste raconte.

Ce que l’on tente de contenir en mangeant

Lorsque nous mangeons nos émotions, ce que nous essayons souvent d’anesthésier, ce n’est pas la faim.
C’est la tristesse, l’ennui, la colère rentrée, l’angoisse, le sentiment de vide ou d’insécurité intérieure. C’est aussi parfois une tentative d’occuper une place, de se remplir pour exister, ou de se punir sans en avoir conscience.

Certaines personnes mangent pour ne pas hurler. D’autres pour se consoler. D’autres encore parce qu’elles ont appris que c’était la seule chose qu’elles pouvaient contrôler dans leur vie.

Le problème n’est pas la nourriture. Le problème, c’est le silence autour de ce que l’on vit. C’est l’absence d’alternative. C’est la honte qui empêche de demander de l’aide.

Il ne suffit pas de dire “il faut juste manger équilibré”. Car quand manger devient une réponse à une douleur invisible, c’est cette douleur qu’il faut d’abord reconnaître.

La boucle de la culpabilité

Une fois l’émotion avalée, souvent en cachette, la culpabilité surgit. Elle peut être violente, destructrice, honteuse. Elle renforce le mal-être initial, accentue la sensation d’échec, et pousse parfois à recommencer.
C’est un cercle. Et comme tous les cercles de survie, il est difficile d’en sortir seul·e.

Plus on cherche à contrôler, plus la pression monte. Et plus la pression monte, plus l’impulsion revient. Ce n’est pas une question de volonté. C’est une question de régulation émotionnelle, de réparation de l’estime de soi, et de lien à reconstruire avec le corps.

Il ne s’agit pas d’apprendre à “mieux se contrôler”. Il s’agit d’apprendre à se comprendre, à s’écouter, à s’accueillir autrement.

La honte, le vide, et le mécanisme addictif

La honte est souvent au cœur du comportement alimentaire compulsif.
Honte d’avoir trop mangé. Honte de ne pas réussir à arrêter. Honte de ce corps qu’on ne reconnaît plus. Honte d’avoir besoin de quelque chose pour aller mieux.
Cette honte, bien souvent intériorisée dès l’enfance, agit comme un poison silencieux. Elle isole. Elle fait taire. Et surtout, elle coupe du lien réparateur.

Le vide que l’on cherche à remplir n’est pas qu’un creux dans l’estomac. Il est affectif, identitaire, existentiel.
C’est l’absence de sécurité intérieure. L’absence de reconnaissance. Parfois même, l’absence d’amour suffisamment fiable pour avoir pu s’y reposer.
Face à ce vide, manger devient un acte de comblement temporaire. Cela apaise quelques minutes. Mais cela ne nourrit pas l’être.

Ce mécanisme, proche de celui de l’addiction, suit une logique bien connue : soulager une tension insupportable par une action immédiate, brève, suivie d’un soulagement fugace… puis d’un retour de la tension, renforcée par la culpabilité.
Le cerveau cherche alors à reproduire le cycle pour retrouver ce soulagement. Non pas par plaisir, mais pour survivre à l’angoisse.
Comprendre ce schéma ne signifie pas s’y résigner. Cela signifie reconnaître qu’un corps qui mange ses émotions essaie de faire face avec les moyens qu’il a.

“Le curieux paradoxe est que lorsque je m’accepte tel que je suis, alors je peux changer.”
— Carl Rogers

Un chemin de réparation douce

Dans mon accompagnement, je ne travaille jamais contre la nourriture. Je travaille avec l’émotion qu’elle porte.
Je ne cherche pas à supprimer un comportement, mais à restaurer une capacité à sentir, à exprimer, à être en lien autrement qu’en se remplissant ou en se privant.

Le programme Se Retrouver offre un espace pour cela : un lieu sans jugement, où la parole peut revenir là où le silence avait tout envahi.
Il ne s’agit pas de “guérir vite”. Il s’agit de créer les conditions d’un rétablissement profond, respectueux du rythme de chacun·e, où le corps retrouve sa juste place, et où les émotions peuvent exister sans faire mal.

Manger ses émotions n’est pas une faiblesse. C’est une réponse. Et toute réponse, une fois comprise, peut devenir une porte vers une autre manière de vivre avec soi.

© Nathalie Billemont – 2025
Thérapeute TCC – Programme Se Retrouver

TCA, alimentation émotionnelle, boulimie, hyperphagie, honte, culpabilité, vide intérieur, addiction, estime de soi, Se Retrouver, Nathalie Billemont

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