Quand le corps dit non : Sexualité, Trauma et Guérison

Quand le corps dit non : Sexualité, Trauma et GuérisonQuand le corps dit non : Sexualité, Trauma et Guérison Crédit image : Big Stock

Les empreintes silencieuses du trauma : Comprendre ce qui est inscrit dans la chair et la mémoire

Certains traumatismes, en particulier ceux liés à l’inceste, au viol ou à toute forme d’abus sexuel, laissent des cicatrices profondes, souvent invisibles, inscrites dans la chair et la mémoire cellulaire. Là où devait naître le plaisir, la peur s’invite, bouleversant la relation au propre corps. Vous pourriez porter en vous un « non » profond, un refus catégorique de tout contact intime, même au sein d’une relation aimante et sécurisante. Ce refus n’est pas un caprice ; c’est le langage d’un corps qui a enregistré un danger et cherche à se protéger, parfois sans que l’esprit en soit pleinement conscient. C’est un signal d’alarme qui, une fois écouté, ouvre la voie à la compréhension et à la guérison.

Au-delà des souvenirs conscients, le trauma peut parfois se transmettre de génération en génération. Les silences familiaux autour d’un secret indicible peuvent façonner votre manière d’habiter votre corps, de ressentir la sensualité ou d’établir des limites. Comprendre que ces tensions corporelles ne naissent pas toujours « d’aujourd’hui » est le premier pas vers la compassion envers soi-même.

« Quand le corps se ferme, c’est souvent la mémoire qui hurle. »
— Nathalie Billemont

L’intimité : Du refuge à la menace, comment le corps réagit au trauma

Après un viol ou un inceste, le retour à la sexualité peut s’apparenter à une lente exploration d’un territoire miné. Le simple effleurement d’une peau, une caresse, ou même l’idée d’un rapport peut déclencher un réflexe d’évitement ou de dissociation. Le corps se raidit, l’esprit se trouble, et la douleur, qu’elle soit physique ou émotionnelle, reprend le dessus. Ce mécanisme de défense, essentiel pour survivre à l’abus, devient cependant un obstacle majeur lorsqu’il persiste dans la vie quotidienne.

Dans ces moments, il n’est pas rare de se sentir coupable, « anormal·e » ou « brisé·e ». Pourtant, chaque sensation de rejet ou de fuite est un signal précieux : votre corps cherche à vous dire qu’il a besoin d’un espace sécurisé, d’une lente reconstruction et d’un soutien attentif. Comme vous l’exprimez si bien, « Quand le corps se ferme, c’est souvent la mémoire qui hurle. »

Écouter la parole du corps : Le premier pas vers la réconciliation interne

Le rétablissement commence par l’écoute attentive de ces messages corporels. Plutôt que de forcer ou de survoler l’intimité, accordez-vous le droit de dire « non » sans avoir à vous justifier. C’est une affirmation de votre souveraineté corporelle et le début d’une nouvelle relation avec vous-même. Observez les zones de tension dans votre corps : la poitrine qui se serre, le ventre qui se noue, les épaules qui se haussent. Cette attention bienveillante à la sensation physique crée un dialogue intérieur, où le corps découvre qu’il peut enfin être entendu et respecté.

Il arrive aussi que la parole permette de relâcher des mémoires anciennes. Écrire dans un journal intime, parler à un·e thérapeute spécialisé·e en trauma ou confier votre récit à un·e proche de confiance contribue à désamorcer la solitude du trauma. Plus le secret se dissipe, plus le corps peut se détendre et initier son processus de guérison.

Se ressourcer dans la sécurité : Recréer un territoire intime et bienveillant

Revenir à la sexualité après un trauma ne se fait pas en un jour, ni de la même manière pour tout le monde. Il s’agit de recréer un territoire intime, un sanctuaire où vous êtes l’acteur·rice principal·e de vos sensations. Cela peut passer par :

  • Des soins corporels doux et consensuels (massages thérapeutiques apportés par des professionnels formés au trauma, bains tièdes) pour renouer avec un toucher bienveillant.
  • Des exercices de respiration et de méditation focalisés sur les sensations neutres ou agréables (le contact d’un tissu sur la peau, la caresse du vent, l’odeur d’une fleur).
  • Un rythme progressif, où chaque étape (effleurer une main, un visage, un baiser) devient une victoire de confiance en soi et en l’autre.

Chaque petit pas, aussi modeste soit-il, est une preuve tangible de votre courage et de votre capacité à réhabiliter votre corps et à lui redonner sa place dans votre vie.

Ressources et aides d’urgence

Vous n’êtes pas seul·e et il est crucial de chercher de l’aide si vous en ressentez le besoin. Des numéros d’écoute spécialisés sont disponibles gratuitement, 24h/24 en France :

  • 3919 : Violences Femmes Info (écoute, orientation, protection).
  • 0800 05 95 95 : Enfance maltraitée (écoute et soutien pour les mineur·e·s victimes).
  • 080 05 802 818 : Stop Maltraitance Bébés (écoute des professionnels et proches des enfants).
  • 114 : Par SMS pour les personnes sourdes et malentendantes.

N’hésitez pas à composer ces numéros si vous avez besoin de parler en urgence, d’être orienté·e vers un·e psychologue ou d’obtenir une protection immédiate.

Marcher vers la réconciliation corps-esprit

Le chemin qui mène à la paix avec votre corps est un voyage intime et unique. Il demande du temps, de la patience et la solidarité de celles et ceux qui comprennent et respectent votre processus. À chaque pas, vous apprenez à reconnaître votre valeur intrinsèque, à poser vos limites avec assurance et à réhabiliter la confiance. Un jour, le corps ne dira plus « non » avec la colère ou la peur, mais pourra dire « oui » à la vie, à la tendresse, à l’amour, dans le respect de vos besoins et de votre rythme.

© 2025 — Nathalie Billemont, Thérapeute TCC

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